Jean Paul Belmondo
Bébel
Pour les plus
jeunes d’entre nous, son nom vous est connu mais peut être sans plus ;
pour les autres, vous devez être comme moi, c’est toute notre jeunesse !
De 1969 avec « Le Cerveau » jusqu’en 1985 avec « Hold-up »,
je n’ai raté aucun de ses films au cinéma. Avant et après, j’en ai vu une
multitude à la télévision.
Une partie des
titres de sa filmographie lui allait comme un gant : « Le
professionnel », « Le magnifique », « L’incorrigible »,
« L’as des as ».
Mais commençons
par le début, Jean-Paul est né le 9/4/33 en France, élève indiscipliné il va
vite se tourner vers le sport ; en premier le football comme gardien de
but, puis très vite la boxe en amateur et une courte carrière en Pro (9
combats : 4 victoires, 4 défaites et un match nul).
En octobre 52 après 3 essais il est admis au Conservatoire national supérieur d'art dramatique. C’est à cette période qu’un de ses professeurs lui prédit un immense abonnement aux seconds rôles et déclare : qu'avec la tête qu'il a, il ne pourrait jamais prendre une femme dans ses bras, car cela ne serait pas crédible. Et cela s’est effectivement produit puisque Bébel,
c’est près de 160 millions de spectateurs en 50 ans de carrières, c’est un nombre incalculable de films où il avait son nom plus grand que le titre du film sur l’affiche.
Et au niveau des femmes, il a vécu de longues idylles avec Ursula Andress, Laura Antonelli ou encore Carlos Sotto Mayor, et ses épouses on ne peut pas dire que ce n’étaient pas de jolies femmes.
En 1956, lors du
concours de sortie du Conservatoire, il interprète une scène de la pièce « Amour
et Piano » de Georges Feydeau : le public l'acclame, mais le jury présidé
par Marcel Achard lui fait payer sa désinvolture et lui décerne un simple
accessit, lui interdisant ainsi l'entrée à la Comédie-Française. Les camarades
de Belmondo le portent en triomphe pour le soutenir, tandis qu'il adresse un
bras d'honneur aux jurés. L'acteur et enseignant au Conservatoire Henri Rollan
lui dit alors : Le professeur ne
t'approuve pas, mais l'homme te dit bravo.
Mars 1960 c’est
le triomphe pour Bébel avec le film « A bout de souffle » de Jean-Luc Godard, et on peut
dire que sa carrière sera pratiquement une réussite cinématographique totale
jusqu’en 1985.
Bébel refusait les doublures et faisait
toutes ses cascades lui-même, ce qu’il lui a valu de nombreuses blessures ;
mais lors du tournage de « Hold-Up »,
il se blesse sérieusement ce qui va marquer la fin de ses films d’actions, il a
52 ans.
Mais Bébel n’est pas encore prêt de se ranger, il revient avec triomphe en 1988 avec « Itinéraire d’un enfant gâté » et en 1989 pour le rôle théâtral de « Cyrano » dans une pièce de Robert Hossein ; j’ai eu la chance de le voir à Charleroi en 91, début de la tournée mondiale qui les a conduits jusqu’au Japon.
Il faudra
attendre longtemps pour que sa carrière soit reconnue par ses pairs qui lui
reprochaient son côté populaire. Ce n’est que lors de la 14ème
cérémonie des Césars en 1989 qu’il reçoit celui de meilleur acteur pour son interprétation
dans « Itinéraire d’un enfant gâté ». Prix qu’il refusera car Bébel reste
Bébel : le public est le seul jury qui
puisse lui accorder des distinctions. Enfin, un peu comme un hommage
tardif, Monsieur Jean-Paul Belmondo reçoit pour l’ensemble de sa carrière une
palme d’honneur lors du festival de Cannes en 2011 (il y a eu 38 minutes de
standing ovation) et le 14 octobre 2013, il est ovationné par ± quatre mille
cinq cents spectateurs lors d’un hommage au 5ème Festival Lumière de
Lyon.
Mais c’est un
Bébel amoindri, il ne se remettra jamais vraiment de son AVC survenu en 2001.
Le 19 juin 2012,
à Bruxelles, il reçoit la médaille de Chevalier de l'Ordre de Léopold (la plus
grande distinction civile et militaire en Belgique). Sur la scène du palais des
beaux-arts plein à craquer, l'acteur n'avait pu retenir ses larmes alors que la
foule l'ovationnait chaleureusement. Son fils Paul déclarera : cela lui a rappelé l’ovation pour « Cyrano »
à Charleroi et le public belge a toujours été chaleureux avec lui.
Enfin, Le 14
juillet 2019, il est élevé à la dignité de Grand Officier dans l'Ordre national
de la Légion d'honneur.
Le 6 septembre
2021, Jean-Paul Belmondo passe de l’autre côté du Miroir et il aurait pu
dire : Je jette avec grâce mon
feutre. Je fais lentement l’abandon du grand manteau qui me calfeutre. Hé ! Là
donc ! A la fin de l’envoi, je touche.
Car c’est toute une génération internationale qui a été touchée par son départ ; il suffit de voir les hommages français, belges, américains, du monde sportif, du 7ème art, du monde politique (et sans récupérations), de ses enfants, ses petits-enfants… Et même la Patrouille de France.
Quelques jours
plus tard, il a eu droit à un hommage national aux Invalides. Je ne vais pas
m’étendre sur les polémiques à ce sujet, car simplement je trouve que la
manière dont ce grand Monsieur a représenté la France et/ou l’a fait connaitre
mérite tout simplement le respect de la nation. Et pour conclure, je rappelle
qu’il était décoré de la plus grande distinction civile et militaire, et donc
oui, il méritait cet hommage. Celui-ci chargé en émotion a permis de se rendre
compte à quel point Bébel était toujours présent dans le cœur des gens, tel
Grand-père et Père aimant qu’il était.
Quelques
anecdotes :
Lors de sa liaison avec Ursula, Bébel déclare : Je suis rentré, il était très tard. J'ai décidé de prendre l'échelle
pour monter par la fenêtre. J'allais frapper quand la fenêtre s'est ouverte.
C'était Ursula qui hurlait 'Tu n'as pas honte'. Elle a alors balancé l'échelle
et moi avec. J'allais casser les vitres pour rentrer mais elle m'a jeté une
boule de plomb.
Alors qu’il est resté 6 ans avec Carlos Sotto Mayor, ils sont restés très
proches au point que certains disent qu’ils se sont retrouvés en 2020 ; il
faut dire que l’actrice a déclaré lors d’une interview : Avec Jean-Paul, c'est une grande histoire et
c'est tellement émouvant de nous retrouver ainsi, quarante ans après. Alors
grande amitié ou grande passion ? Le dernier message posté sur son
Instagram ne laisse aucun doute sur leur affection : Au revoir mon amour. Que les anges t'accompagnent dans ton voyage
éternel. Je garde ton sourire et les souvenirs forts et tendres. Tu m’as tant
appris. Je me souviens de cette photo prise il y a exactement un an.
On a souvent dit que c’est lors d’un combat de boxe que Jean-Paul s’est
cassé le nez : il n’en est rien. Même si au début de sa carrière, pour
entretenir le mythe la gueule à Belmondo,
Bébel a confirmé cette théorie, plus tard il a raconté que cela lui était
arrivé lors d’une bagarre dans la cour de l’école : Je remercie l’auteur de cet "attentat", sans lui je serais
peut-être toujours en train de me placer comme figurant de théâtre.
Bébel : La légende raconte qu’au cours du Conservatoire, Jean-Paul
Belmondo portait toujours le même pull, usé par le temps. Cela rappelait à ses
camarades Pépel Wasska (le rôle incarné par Jean Gabin dans « Les
Bas-fonds » de Jean Renoir). Ainsi, Jean-Paul Belmondo s'est vu attribué
le surnom de Pépel par ses pairs, surnom qu'il sera fier de porter car Jean
Gabin était son idole. Une simple faute de frappe a changé Pépel en Bébel. Il
semblerait que cela soit de nouveau une légende populaire et c’est Jeff D. qui
donne le fin mot de l’histoire : Jean-Paul, qui était au théâtre avec
Hubert Deschamps, portait toujours le même pull et c’est lui qui a surnommé
Jean-Paul Pépel qui s’est transformé par la suite en Bébel.
Je vous ai parlé plus haut du refus de Bébel de recevoir le César mais il y
a une autre explication qui remonte à son père Paul Belmondo. Paul était un
sculpteur reconnu qui a eu une carrière impressionnante. A la création des
Césars, le sculpteur César avait été préféré à son propre père, sculpteur de
profession, pour concevoir le trophée. De plus César aurait attaqué Paul
Belmondo, ce qui aurait fait dire à Jean-Paul : Ils ne faisaient pas le même métier : l'un était sculpteur, l'autre
est compresseur. En 2017, poussé par son ami Jean Dujardin et son fils
Paul, Bébel participe à la cérémonie et monte sur scène, ce qui entraine une
standing ovation incroyable (voir la vidéo en fin d’article) et met ainsi fin à
40 ans de brouille entre l’académie et Jean-Paul Belmondo.
Vous savez tous que le festival de Cannes, c’est aussi le tapis rouge et
ses innombrables crépitements de flashs, et bien Monsieur Belmondo n’y a pas eu
droit. Les journalistes ont préféré, l’un après l’autre, lâcher leur appareil
pour l’applaudir. Du jamais vu à Cannes.
Bébel a notamment participé à la renaissance du PSG en 1973 alors que le club était au bord du gouffre suite à la scission avec le Paris FC.
Bébel était aussi un fou de sports ; on le voyait régulièrement dans les tribunes de Roland Garros lors des tournois de tennis ou au stade du PSG avec son écharpe aux couleurs du club. Mais sa passion, il la consacrait quand même à la boxe.
Dès qu’il le pouvait, il ne ratait pas un combat, ce qui a fait dire à l’ancien champion Brahim Asloum : je sais qu’il va y avoir un bel hommage à Bébel vendredi à Roland Garros (nda match de Tony Yoka) mais on va avoir dur car on ne savait pas rentrer dans une salle de boxe sans regarder à gauche ou droite pour voir si Bébel était arrivé et là il ne sera pas présent.
Il n’y a pas
qu’en France que le parrain de l’équipe de France de boxe aux Jeux Olympiques
se rendait régulièrement dans les salles. On l’a souvent vu également en
Belgique comme au Country Hall à Liège (où je l’ai croisé une fois), ou au
Spiroudome de Charleroi où il a déclaré : La Belgique a toujours été une terre de champions, d’artistes
formidables, d’hommes exceptionnels.
En 2019, il a été
invité à la cérémonie des Gants d’or à Bruxelles pour remettre le prix du
meilleur boxeur de l’année à Francesco Patera devant le gratin de la boxe
belge. Lors de cette soirée, Jean-Paul a reçu un Gant d’or d’honneur des mains
de JP Coopman (le seul boxeur belge qui a combattu contre Cassius Clay).
Concernant le match du siècle entre Mohamed Ali et Jo Frazier, il y a une
anecdote intéressante que Bébel confie : j’étais en tournage à Athènes avec Omar Sharif (« Le casse »),
nous avons pris un avion pour aller à Rome et regarder le match à la télévision
puis retour à Athènes. Et le lendemain j’ai lu dans la presse qu’on disait que
j’étais au Madison Square Garden pour suivre le match.
Mais passons
maintenant à ce qui nous regroupe sur ce site, le cigare.
Bébel était un
grand fumeur et avait une passion pour le cigare. On le voit souvent dans ses
films ou dans la vie, avec des cigares. Mais à ses débuts, il disait
souvent : le cigare c’est pour la
frime. En effet, ils sont rarement allumés ou plutôt souvent éteints parce
qu’il n’a pas tiré dessus.
Début des années 60, Bébel passe à des plus gros modules, et l’histoire ne nous dit pas si c’est sa longue aventure avec la suisse Ursula ou sa nouvelle passion, mais il s’est rapproché de Zino Davidoff et ils sont devenus un de ses premiers clients. Ils se rendaient souvent dans son magasin de Genève pour échanger et se procurer des cigares cubains Davidoff.
Le cigare (ou parfois la clope) est aussi un peu devenu sa marque de fabrique au cinéma ; les affiches de ses films étaient toujours un dessin (et pas une photo) représentant Bébel avec un cigare au bec, un pistolet bien en évidence, un pull à col roulé et un blouson de cuir. Les prémices de la loi anti-tabac ont fait que l’accessoire de bec a disparu en 1978 sauf en Allemagne où la pression du public a fait que le cigare soit resté jusqu’en 83.
Le cigare est tellement devenu un accessoire faisant partie de la légende Bébel que lorsque Giraud s’inspire de Jean-Paul pour dessiner le premier Lt Mike S. Blueberry dans la bande dessinée de western franco-belge, il lui colle un cigare au bec.
Pour la petite histoire, l’album « Nez Cassé » est un petit clin d’œil à celui qui a inspiré les traits du personnage. Cela a été pareil pour le manga Cobra, son créateur, Buichi Terasawa, l’a revendiqué, ajoutant qu’il avait été marqué par l’acteur dans « A Bout de souffle », qu’il aimait son côté hyper léger, désinvolte et libre et qu’il avait particulièrement adoré la scène où il se ferme les yeux lui-même lorsqu’il meurt.
Dans son
livre : « Mille vies valent
mieux qu’une », il explique qu’un jour pour faire rire ses enfants,
il a voulu imiter Tarzan ; il s’est tapé sur le torse puis qu’il s’est
élancé vers un trapèze… Malheureusement cela ne s’est pas passé comme prévu et
il s’est cassé des dents… L’inconvénient
de mon métier est qu’il faut être en bon état ; sinon, on pose problème au rôle
ou aux producteurs pusillanimes. Je ne peux pas rester comme ça, avec une
béance à la place de la bouche, d’autant que ce n’est très pratique ni pour
manger, ni même pour parler.
Je saute dans un avion pour les États-Unis afin
d’aller récupérer un râtelier acceptable. Pour qu’il n’y ait aucune rumeur à
mon sujet et que personne n’ait la mauvaise idée de nouer conversation avec
moi, je me colle un énorme cigare entre les lèvres.
Hélas, je tombe sur une connaissance. Ou plutôt
une connaissance tombe sur moi, à côté de moi. L’acteur allemand Horst
Buchholz, un homme bavard et chaleureux, qui s’entête à vouloir tuer le temps
du trajet en conversant. Ce qui ne m’arrange pas. J’ai beau marmonner dans mon
barreau de chaise des trucs assez incompréhensibles pour le dissuader, il s’accroche,
m’inondant de mille questions. Un des pires voyages de ma vie.
Lors des hommages
de nombreux français ont déclaré : Il
a côtoyé les plus grands mais on avait l’impression qu’il pouvait être cet ami
avec lequel on refaisait le monde jusqu’au bout de la nuit autour d’un bon
repas, d’un cigare et d’une bonne bouteille. Il y a même Frédéric, 58 ans ;
il observe de loin la cérémonie et s'allume un barreau de chaise. C'était important pour moi de partager ça
avec les Français. Belmondo, c'était le cigare, les femmes, les bagnoles, un
vrai Français.
Je terminerai
avec les paroles de Jeff Domenech (son ami, son assistant) : Je peux le
dire maintenant quand on parlait de la mort avec Jean-Paul, il disait : Ne pleurez pas, ne soyez pas tristes. J'ai
eu une vie heureuse. Jean-Paul était un soleil, toujours souriant, un vrai
gentil car il était dans la vie comme dans son statut d’acteur. Je l’ai vu signer,
il y quelques années, 400 autographes et prendre 400 photos avec le même
sourire du début à la fin.
Je pense que
c’est ce qui ressort de tous les témoignages, Jean-Paul avait toujours un
sourire, toujours un geste, toujours un moment pour un fan, il rayonnait
littéralement.
Après Johnny, c’est la deuxième de mes plus grandes idoles qui est partie rejoindre ses amis dans les Grandes Prairies des Aficionados ; il est parti rejoindre ses amis qui lui manquaient tellement. Mais comme Jojo, il ne sera jamais vraiment mort car ils resteront dans nos pensées, l’un avec ses chansons et l’autre ses films.
Le Cerveau était encore bien présent mais tu étais A Bout de Souffle et tu as brulé ta dernière Cartouche, on se sent bien Misérables car on a vécu ce jour comme un Hold-Up, celui où on nous a dit que l’Incorrigible Professionnel avait fait sa dernière cascade. Une Peur sur la Ville s’est installée, Bébel en Solitaire s’en est allé…
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