Je lui dis un jour que je trouvais son
portefeuille tellement étendu (c’est quand même plus de 62 gammes en 32 ans),
que cela allait de l’excellence au moins bon. Il m’a répondu : oui tu as dit moins bon et pas mauvais, donc
en fait tu parles de tes goûts qui ne sont pas nécessairement ceux de ton
voisin. C’est tout à fait cela ! Cet ancien avocat a tout compris :
il sort un paquet de cigares différents pour satisfaire tous les palais.
Ce nouveau module, Rocky l’a préparé dans le plus grand secret ; personne ne l’a vu venir : un cigare pour son 60ème anniversaire. Cela pourrait paraitre prétentieux de faire un cigare pour son propre B Day, mais de nouveau c’est mal connaitre Rocky pour penser cela ; d’ailleurs son équipe de marketing l’explique très bien : La qualité vient avec l'âge, et après 60 belles années de vie, la passion de Rocky Patel pour les cigares premium n'a jamais été aussi raffinée. Pour célébrer son amour débridé pour les cigares de marque, et en l'honneur de cette occasion mémorable, nous sommes fiers de vous présenter... Le Rocky Patel Sixty.
Partons donc à la découverte de ce qu’on nous présente
comme un bijou.
La boite est d’un rouge sang avec la représentation de plants de tabac, et en or Sixty, 1961-2021 surmonté d’un cachet bleu nuit avec le logo RP.
Le couvercle intérieur est bleu nuit avec une multitude d’informations sur le cigare ; par exemple chose très intéressante, que le cigare a encore été vieilli deux ans avant d’être distribué.
Déjà pour vous parler de la cape, il va me
falloir un moment puisqu’elle est pratiquement recouverte à 80% de ce qui me
semble une énorme bague. Rectification : en regardant plus près, il s’agit
en fait de trois bagues bien distinctes.
Elles sont de couleur bleu, rouge, or, blanc
cassé ; elles sont décorées de liserets.
Je commence donc par retirer la bague de pied,
qui est la plus imposante : elle se termine par 60, puis en remontant on a
un graphique reprenant de nouveau un plant de tabac. Le but est de décoller la
bague et de la faire descendre lentement car elle est glissée sous la seconde
bague.
Une fois ôtée, j’ai une cape d’un brun assez
foncé avec de belles nervures par-ci par-là ; elle a un aspect soyeux et
légèrement huileux qui me fait penser que petit à petit le Mexique rogne sur
l’avance qu’avait l’Equateur en qualité de cape.
Encore un moment de contemplation, puis je
pratique mon cérémonial de coupe et d’allumage. A froid, j’ai du poivre noir
mais aussi du chocolat.
Le pied s‘enflamme parfaitement et me donne
déjà une bonne quantité de fumée qui déclenche instantanément mes alarmes, le
corps se met en alerte : alarme, mayday, s.o.s… je subis un choc frontal
avec une marée de poivre rouge et une cohorte de terre bien sèche qui
s’installent et prennent possession de ma bouche en moins de temps qu’il ne faut
pour le dire.
Heureusement cela dure un temps très court,
j’aurai tendance à dire un grand classique des nouveaux cigares, pour se
stabiliser vers moyen-fort.
Cette terre sèche tapisse toujours ma bouche,
mais également une grande proportion de la gorge et y laisse une impression de
déshydratation douce.
Jusque-là Rocky a tenu parole : Rejoignez-nous pour célébrer le 60e
anniversaire de Rocky Patel avec un cigare différent de tout ce que nous avons
déjà roulé.
Je ne suis pas surpris par la bonne combustion et par le tirage satisfaisant ; c’est souvent plus facile sur un box-pressed. Le poivre faiblit pour revenir à une sorte de poivre blanc, la terre reste sèche mais avec des sensations très présentes de terre glaise à ses côtés, ce qui entraine sa chute sur moyen. C’est assez perturbant de se retrouver avec une palette de saveurs réduite à sa plus simple expression et de se dire waow, que c’est bon ! Attention, comprenez-moi bien : ce cigare ne se contente pas de poivre et de terre, car il y a de la cannelle, du chêne, des piments, du cuir, du chocolat au lait et même du thé noir, mais leur apparition est furtive et de vibration courte au point que le poivre et la terre gardent le sommet de la hiérarchie tout le temps de la dégustation.
Au moment d’arriver à la bague suivante, mon
cigare tire des salves de poivre noir voir rouge qui le font remonter vers la
ligne fort mais sans vraiment l’atteindre.
Et pousse la porte de ma mémoire de feux de camp, celui où on pouvait se permettre de bruler du chêne bien sec. Celui-ci est très vite assimilé par la terre et le poivre, et me donne un genre de mélasse homogène qui s’insinue partout ; aucune papille ou recoin ne lui résiste, elle s’infiltre même profondément dans la gorge, ce qui me laisse une grande impression de soif.
Et puis dans l’apothéose, je dirais les derniers centimètres, ce magma explose et la terre s’aère, pour libérer un filet salé sur les lèvres et un apaisement en bouche. Je me mets à penser à la fin du film Gladiator, quand après avoir vaincu un tas d’épreuves, Maximus retrouve la paix, sa femme et son fils dans les Grandes Prairies. Je peux enfin profiter pleinement de ce cigare vintage et ressentir à fond les sensations d’un tabac qu’on a laissé se reposer tranquillement pas vite comme diraient mes amis Innus.
Les dégustations, de l’ordre de deux, se sont portées sur des cigares Toro de 16.51 cm pour un cepo de 52.
Cape : San Andrés.
Sous-cape : Nicaragua.
Tripe : Nicaragua.
En conclusion : voici un cigare bien surprenant à bien des égards, avec un point un peu plus négatif c’est la friabilité de sa cendre, mais avec de longs moments de plaisirs et hors du temps. Il n’est certainement pas à la portée de tous les amateurs, et ici je ne parle pas de débutants mais de palais ; il faut pouvoir apprécier cette sensation de sècheresse pour atteindre le nirvana. Perso, je l’ai fortement apprécié au point que je dois vous laisser avec une phrase de K.K. qui résume bien mon état d’esprit lors de cette dégustation. Je file, je dois aller rechercher à la civette de ces cigares, car c'est aussi celui de mes 60 ans..
Je
conclurais en vous disant que c’est l’amour des produits qui parvient à réunir
des individus pourtant si différents autour d’une table. N’est-ce pas le plus
important à savoir à propos du cigare ? Kolja Kukuk,
directeur de la vente et du marketing de Rocky Patel pour l’Europe
Prix au moment de la rédaction de cet
article : 23 euros.
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