Guray Nalbant
L’artiste au cigare
Je venais de
rentrer dans le fumoir plus privatif, et comme le monde du cigare est une
grande famille, l’homme assis devant le feu me dit bonjour. Je lui ai rendu la
pareil et je me suis installé. Il écoutait du F. Sinatra et m’a demandé si cela
ne me dérangeait pas.
Par la fenêtre,
les bruits des plaisirs d’hiver montaient jusqu’à nous. Après avoir allumé ma
vitole, je me mis à le dévisager. C’est quoi, c’est qui ce mec ? Des
favoris à la Wolverine, une veste en cuir de grande classe, une prestance, un
bel aura et comme on dit chez nous : la
gueule de l’emploi. Immanquablement, il me fait penser à Robert de Niro, Al
Pacino ou Clint Eastwood ; c’est le genre de personnage qui pourrait être
gangster, de la police des mœurs ou criminelle, Prince, Sultan ou voleur de
haut vol voire même espion. Une vraie dégaine de cinéma !
En bon liégeois,
qui parlerait à un chien avec un chapeau, j’entame la conversation. En fait
Guray est un artiste qui pratique le 7ème art.
C’est donc cet
échange que j’ai envie de partager avec vous. Alors vous êtes prêt ? Clap
et action !
Guray, né à Schaerbeek
et d’origine albanaise, a fait son enfance et sa jeunesse à une époque que les
jeunes ne peuvent pas comprendre ou connaitre. A ce temps-là les cafés étaient
bondés, les cabarets, dancings et clubs étaient florissants, et on en trouvait
à tous les coins de rue. On fumait partout, même dans les écoles. Je me
souviens de ce professeur de la faculté de droit à ULg qui donnait cours avec
sa pipe, ou mon prof de math qui entrait en classe avec son cigare pour le
laisser s’éteindre sur le coin de son bureau. Donc une époque de liberté,
certainement trop poussée, mais qui nous donnait la joie de vivre, et qui nous
ouvrait en grand la porte du monde de la nuit ; il fallait juste éviter de
se bruler les ailes.
Comme beaucoup de
jeunes gens, les gamins des quartiers, il trainait avec ses potes et faisait les
400 coups ; mais alors que ces copains chapardaient les mégots de
cigarette, Guray lui attendait patiemment de tomber sur un bon mégot de
cigare : cela faisait plus classe, plus stylé, plus Homme.
Il aurait pu mal tourner ou devenir sorteur d’une boite de nuit, et pourtant il est resté du côté clair de la force, si bien qu’en 2013 il est repéré par la grande sphère du cinema, et qu’il est toujours actif dans ce milieu. Il a participé à des œuvres avec Adèle Exarchopoulos, Matias Schoenaerts, Olivier Gourmet, Isabelle Huppert, Laurent Lafitte ou Bouli Lammers.
Vous vous doutez qu’avec sa gueule de cinéma, on ne lui a pas proposé des rôles de jeunes premiers ou de chevalier servant ou de magnifiques histoires d’amour, mais plutôt des rôles de tueurs, bandits, truands, révolutionnaires… avec l’avantage (merci la gueule) de toujours jouer le chef : des gangsters, des flics, des armées.
Comme Daniel Malloy
dans Entretien avec un vampire, je me
sens fasciné par ce personnage patibulaire et je veux en savoir plus. Je lui
propose donc de le retrouver à la même enseigne lors de mon prochain passage
par la capitale.
Peu de temps après, le rendez-vous est pris dans les mêmes
fauteuils avec un cigare et une autre facette de Guray. Pour la circonstance,
il a troqué le cuir pour un costume : c’est qu’il a de la classe
l’Albanais de Schaerbeek !
En plus du cinéma et même bien avant que celui-ci ne se
présente à lui, Guray a le dessin dans la peau. Depuis son plus jeune âge, il
dessine. Mais cette passion, il l’a mise un peu de côté pour diverses raisons
de la vie.
Mais pourquoi est-ce que je vous en parle ?
Alors que le monde de l’audiovisuel l’appelle de plus en plus, il joue parfois dans un film, il apparait dans un spot publicitaire, il fait son premier court-métrage avec David Hallyday.
On le voit dans des productions où il tourne en Belgique, Hollande, France, Italie, Angleterre, Turquie, Albanie et au Maroc où il est le seul étranger sur une distribution de 30 acteurs. Il sait qu’il se fait remarquer positivement et qu’il s’ouvre au monde. Mais, il lui reste encore du chemin vers le sommet : Hollywood…
Il m’explique que si ici en Europe c’est grâce à sa
physionomie qu’il est remarqué et qu’il est au générique de films divers, c’est
cette même physionomie qui le freine outre Atlantique ; il ne faut pas
qu’il crève l’écran et efface les acteurs primés et de premier plan. De plus,
on travaille au casting et il n’aime pas cela car on passe une audition souvent
hors contexte, hors cadre, sans costumes, décors, ni partenaires… bref tout ce
qui favorise à se mettre à fond dans le personnage.
Alors qu’aux States, on est pris pour ce qu’on vaut, quitte à
leur en mettre plein la vue ; le meilleur exemple à ses yeux, c’est notre
JCVD.
Mais les grandes sociétés sont à sa porte, il rencontre Michael Madsen (Reservoir Dogs, Kill Bill : Volume 1 et 2 et les Huit Salopards, tous des films de Quentin Tarantino). Quentin, l’idole de Guray !
Madsen lui propose de venir aux Etats-Unis pour rencontrer Monsieur Tarentino… Mais au lieu de cela, c’est le Covid qui débarque et son triste Oscar du confinement.
Guray tourne en rond, il s’emmerde comme plusieurs d’entre nous qui avons l’habitude de connaitre le monde de la nuit. Pour s’occuper, et surtout s’occuper l’esprit, il revient à sa première passion : le dessin.
Tout y passe ou presque ! Que ce soit un auto portrait, des personnages de fiction tels Floki (Vikings), le Joker, Thomas Shelby (Peaky Blinders), mais aussi du monde réel comme Olivier Marchal (acteur & réalisateur), Napoléon…
Dans son atelier, il retrouve son âme d’enfant, en partie : T-shirt ou Training (Adidas, faut pas déconner), casquette à l’envers et c’est parti ! Enfin, presque : car pour lui dessin rime avec cigare.
C’est quand même le sujet qui nous a fait rencontrer.
D’ailleurs Guray, petite parenthèse, quel est ton ou tes cigares
préférés ?
Je ne sais pas si tu sais Ker mais en 2016 je suis devenu l’égérie des cigares Payne Mason, qui sont à mes yeux des très bons cigares mais qui ne sont pas commercialisés en Europe.
Donc, pour répondre à ta question, sans hésitation le Oliva V Double Toro.
Fin de la parenthèse.
(L’Expo Nationale est un concours et une exposition, organisés à KBR (la Bibliothèque royale de Belgique) par museumPASSmusées en collaboration avec le journal Le Soir. C’est l’occasion pour des talents artistiques inconnus de se retrouver sous les feux de l’actualité. Il n’est pas nécessaire d’avoir des années d’expérience derrière vous. Cette exposition unique peut accueillir 70 œuvres. 60 œuvres seront en effet choisies par le public et un jury professionnel. Les 10 œuvres restantes seront issues de la Nationale Ketexpo Nationale, une initiative de Ketnet (VRT)., extrait de leur site)
J’ai été mis au courant de ce concours par une connaissance qui m’a encouragé à participer. C’est toujours ainsi avec moi concernant mes passions du cinéma et le dessin : je ne cours pas après, on vient me chercher. Donc, je me suis dis : pourquoi pas ? Cela a été magique Ker!
En deux semaines, j’ai non seulement rattrapé mon retard sur les autres participants, mais j’ai également obtenu la première place du concours sur 3000 inscrits. Et cela grâce à toi et d’autres qui ont partagé l’info, et surtout grâce à tous les votants, et je tiens à encore les remercier. Donc, mon dessin a été exposé à la KBR, et gratuitement visible du 28 juin au 31 juillet 2024.
Changement de décor pour la 3ème partie de cette interview. Cette fois, c’est sur Liège et pour une dégustation Davidoff que nous rencontrons. Il est accompagné d’un de ses grands amis, et nous décidons de nous mettre légèrement à l’écart pour discuter calmement.
Nous serons rejoints par mon ami Francis V. dès qu’il aura fini sa présentation sur les cigares de la soirée : Zino Platinum & Davidoff Winston Churchill EL 2021.
Quand Francis nous rejoint, nous sommes en pleine conversation, et il répond à ma question sur le lien qu’il fait entre ses dessins, le cinéma et les cigares ?
Je pense franchement que ce qui unis ces activités entre
elles, c’est la relaxation. Quand je passe des heures sur un dessin, cela me
relaxe tout comme me relaxe un moment passé avec une playlist et la dégustation
d’un cigare.
Le cinéma c’est pareil. Bien avant le clap, j’endosse la
peau d’un personnage ; pour cela, je quitte mon enveloppe charnelle et je
deviens quelqu’un d’autre. Je laisse derrière moi, mes soucis physiques, les
tracas qui peuvent embrumer mon esprit.
Les taquineries sur ses origines passent difficilement. En
grattant un peu la carapace du molosse, je constate qu’en fait Guray est très
patriotique.
Je vous laisse avec ce message qu’il vient de me faire
parvenir sous forme d’image :
Okkkkkkk…top l’interview Amigo!…à très vite !
RépondreSupprimerMerci content que cela te plaise
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