Nicarao Especial
Reserva 2015
Robusto
Quand je demande à ce féru de mythologie ce qu’il y a comme
différence entre la version 2014 et la 2015, Didier V. H. me répond
simplement : un an. Au début je
me suis dit qu’il avait beaucoup d’humour. Puis après réflexion, je suis tombé
d’accord avec lui sur le niveau du processus.
Quand je travaillais pour l’enseignement à distance, on
faisait toujours un synopsis et un canevas du projet avec toute l’équipe de
développement. Pour la série Reserva c’est pareil, Didier a fait un synopsis de
la phase de création de ces cigares et l’a expliqué consciencieusement à
l’équipe de travail. Donc sur un plan tout à fait technique, entre la version
2014 et 2015, il n’y a qu’un an de différence.
En premier lieu, choisir la bonne parcelle pour la récolte,
parfois quelques mètres font toute la différence entre un cigare moyen et un
bon cigare. Comprendre le sol et l'environnement est essentiel pour une
production de cigares singulière.
Ensuite (je vous passe tout le processus de plantation,
récolte et fermentation), il a décidé de laisser vieillir les feuilles plus
longtemps que la normale.
Les rouleurs entrent en action. Comme des abeilles ouvrières,
ils vont donner vie à nos vitoles avec une précision millimétrée pour qu’ils
soient pratiquement tous identiques.
La phase deux du projet Reserva peut commencer. Les cigares
vont encore vieillir une année avant d’être mis en boîte.
Fin du synopsis : le travail commercial de distribution
peut commencer…
Ok, vous avez compris le schéma. Mais pourquoi Reserva et pas
Limited ?
Je pense qu’une édition limitée est un choix de production à
X cigares à un moment bien précis mais que l’on peut très bien retrouver le
même blend quelques mois plus tard si la demande se fait sentir. Donc, et cela
n’engage que moi, une production limitée est un acte délibéré de marketing et
pas de production.
Pour le Reserva, je vous ai noté au début du synopsis que le
choix de la parcelle avait toute son importance, comme pour les vins grand cru.
Donc s’ils ont délimité la parcelle de production en fonction du sol, de la
qualité des feuilles, des arômes sur plant… quand il n’y en a plus, il n’y en a
plus.
Par contre, comme pour certaines éditions limitées, les
boîtes sont numérotées.
Et le 2015 alors ?
C’est simplement l’année de roulage des cigares.
Photo de R. Moska pour la page FaceBook |
Pour le packaging, pas de différence entre la version 2014 et
2015 - sauf évidement l’année qui se retrouve sur la boîte et sur la bague
(pour cela, je vous invite à consulter mon article sur la version 2014).
On va maintenant pouvoir passer à la dégustation.
Comme je suis dans la gamme Especial, j’ai une cape rosado to
rosado oscuro habano (Jalapa) qui a les caractéristiques d’un brun foncé avec
des reflets rougeâtres.
Le rituel de la coupe et de l’allumage peut commencer. À cru
le tirage me semble parfait, j’ai déjà le poivre blanc et le café léger.
Dès que le pied s’embrasse, je sens que cela va me procurer
un beau voyage.
Le poivre blanc est le premier à entrer dans la danse, suivi
de très près par le café déca.
L’avant-garde précède le bataillon composé de noisettes, de
terre grasse et de cannelle.
Enfin l’arrière-garde se compose d’une horde de bois
précieux.
Ce qui me marque particulièrement, c’est le manque total
d’acidité, de piquant dérangeant ; il faut dire que les cigares ont été
roulés il y a quand même 5 ans. Donc je pense qu’ils ont largement eu le temps de reposer, surtout connaissant le
patron de la civette : je sais que ce repos s’est effectué dans les
meilleures conditions.
Ma dégustation commence son cheminement d’augmentation de
puissance, guidé par le poivre blanc. Le café développe des saveurs plus fortes
de moka, la terre prend du volume et mon boisé pousse ce subtil mélange vers
les hauts sommets.
Voilà, c’est parti. Comme pour le 2014, me voilà en
lévitation, hors du temps.
Je compare cette dégustation à un enseignement
amérindien : on donne une information, on te laisse méditer dessus, on en
discute et tu te transformes.
En fait je pourrais comparer ce moment de délice avec la base
des soins : acceptation, compréhension et guérison. Ce Nicarao Especial
est pour moi un très bon outil de lâcher prise.
Mais je n’en reste pas là puisqu’irrémédiablement, je suis
plongé dans mes souvenirs traditionnels avec cette gamme (je vous en ai déjà
longuement parlé lors de mes articles sur cette gamme), la touche animale fait
son apparition comme par magie. Presque toujours au même moment dans la
dégustation, cette sensation de cuir animal : le chevreuil quand je travaillais
sa peau le long du lac sous les conseils du Vieux Buck, comme si c’était un
signal en douceur d’un retour vers le monde de la nécessité.
Et bien évidemment
dans la foulée arrive au grand galop Mister Toast et ses douceurs.
Une fois de plus je suis emballé par cette gamme et plus
particulièrement la version Reserva. Un cigare équilibré, d’une grande noblesse
et d’une construction digne des grands monuments de la mythologie comme
Teotihuacan ou Machu Picchu.
Mes dégustations se sont portées sur un puros de 12.7 cm pour
un cepo de 52
En conclusion : il devrait être interdit de faire ce
genre de cigare car après on a difficile de repasser à autre chose. Plus
sérieusement ce cigare est d’une harmonie incroyable : on est transporté
vers son apogée de puissance presque sans s’en rendre compte. On y reste un
long moment avant de redescendre tout en douceur.
J’admire aussi le travail de précision pour arriver à un tel
résultat sans pour cela jouer avec une multitude de saveurs.
Qui dit Reserva dit qu’il n’y a eu que ± 450 boîtes pour le
marché. Donc si vous avez la chance d’encore le trouver, ne la laissez pas
passer.
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