In memoriam
Robert Waseige, le Mage de Rocourt
L’amateur de cigares
C’est à la maison Baelen que j’ai croisé Monsieur Waseige la
première fois ; évidement je connaissais le Monsieur football, mais pas
encore l’amateur de cigares.
Puis, je l’ai revu par la suite à de nombreuses reprises,
que ce soit lors du décès de mon ami Xavier Fluchard, ou pour des soirées plus
festives autour du cigare, ou simplement en le croisant à la Maison Demoulin
quand il venait faire le plein de ses cigares cubains.
Robert n’était pas figé sur un terroir ou une marque mais
comme beaucoup d’entre nous, il avait ses préférences. Pendant tout un temps,
il a fumé beaucoup de Balmoral, puis il a commencé à apprécier fortement les
cubains : le Punch double corona ou le Lusitania de chez Partagas. Mais
par la suite, il s'est découvert un amour pour le Montecristo Eagle et le H.Upmann
Magnum 50.
Cela serait de la vantardise de dire que j’étais son ami,
mais je suis rentré dans le 3ème cercle (le premier était le sacrosaint cercle
familial, le second celui des amis), celui des connaissances avec qui il aimait
partager, discuter et raconter ses anecdotes. Et il en avait un tas, je vous en
livrerai quelques-unes en vrac au cours de cet article.
Notre première vraie rencontre cigare eut lieu le 14 mai
2014, lors de la visite d’une Maestro Torcedor pour une démonstration De l’Art
de Rouler Un Habano. Il avait demandé à son fils Fred de le conduire pour une
petite demi-heure, et je pense qu’il est resté une très grosse heure. Nous
avons dialogué en fumant un cigare cubain et en sirotant un mojito. Alors que
je lui dis qu’il m’a été très compliqué de trouver sur le net une photo de lui
avec un cigare, il me répondit : Normalement vous n’en trouverez
pas. C’est ainsi que j’apprends que lors de son 2ème passage comme coach
au Standard, ses fils lui ont parlé de l’image qu’il devait donner à la
jeunesse, et donc fortement conseillé de ne plus fumer en public. Ce qu’il a
fait jusqu’à sa retraite.
On parle aussi de son court passage au Standard pour la 3ème
fois, en 2002 : Ce fut un épisode assez épique de ma carrière. Il y
avait des mois et des mois que Luciano D’Onofrio me tannait pour que je vienne
à Sclessin, mais j’avais un accord avec l’union belge. Comme pour des raisons administratives,
je ne suis pas resté entraineur de l’équipe nationale, j’ai donc accepté
l’appel du pied de Luciano, et le 14 septembre (soit après seulement 5 matchs),
j’ai été limogé. En football, quand les résultats ne suivent pas, il faut bien
que quelqu’un paye et c’est souvent l’entraineur. Je dois dire qu’à ce
moment, il le prenait avec philosophie et même désinvolture.
Il a repris quelques cigares pour les laisser vieillir dans
sa cave, et m’a quitté presque en s’excusant parce que Fred trépignait, car il
avait un rendez-vous et que son père l’avait déjà bien mis en retard.
Il faut dire qu’au-delà de l’entraineur, de l’amateur, il y
avait le Monsieur qui était toujours là pour donner un conseil, d’une moralité
exemplaire, mais qui avait aussi la faculté de lâcher un avis pertinent avec
simplicité et humilité. Et quand il n’appréciait pas quelqu’un, il savait lui
faire sentir avec gentillesse mais le message était clair.
Tellement honnête que son ami Henri Depireux me
disait : Je me suis presque fâché un jour avec lui car il ne
voulait pas aligner son fils, alors qu’il avait les capacités pour jouer,
uniquement parce qu’il ne voulait pas qu’on dise qu’il était avantagé.
Robert était un homme pour qui le mot amitié avait une
grande importance. Tous les mercredis, il allait manger au restaurant de son
ami Moreno Giusto. Et quelques années avant, on le voyait régulièrement dans le
bistrot de son ami Henri, près de la cathédrale. Et évidement nous nous
croisions souvent chez Jean-Pierre.
Jean-Pierre Demoulin & Robert Waseige, une grande
histoire de cigares. En plus de cette soirée cubaine, il y en a eu beaucoup
d’autres. Robert était membre d’honneur du Club Liégeois des Passionnés du
Cigare ; il a été élu en 2002, fumeur de l’année par la société Agio –
Balmoral, lors d’une soirée de prestige qui rassemblait plusieurs personnalités
du monde du cigare. Et sa photo, ainsi que celle des lauréats des autres
années, est restée longtemps affichée dans les couloirs de l’entreprise.
Il y a
eu ce soir, où sur les hauteurs de Liège, ils ont été invités par l’importateur
de la Maison Davidoff à déguster le cigare le plus chère au monde (450 euros).
Pour l’occasion, Robert était accompagné de son ancien élève Marc Wilmot.
Jean-Pierre Demoulin, Robert Waseige et Guy Lemaire |
Et
aussi, encore une soirée Davidoff, organisée près de Nandrin ; à celle-ci,
j’ai eu la chance de passer un long moment avec lui, Guy Lemaire, Luc Sougné,
Cvijan Milosevic, Marc Sohet.
Ce moment restera à jamais dans ma mémoire ! Quel
moment magique de les entendre partager leurs souvenirs ; comme quand
Robert dit qu’on l’a contacté un jour pour être Citoyen d’Honneur de la ville
de Liège, et qu’il a répondu que cela n’était pas possible. La personne au
téléphone a marqué un moment d’arrêt avant de lui demander Pourquoi ? , et il a répondu : Parce que je le
suis déjà. Ou encore, quand il était entraineur de Winterslag et son
échange avec monsieur Vanden Stock.
Son fils Frédéric la reprendra d’ailleurs dans un article
pour foot magazine : Avec lui, ils sont passés de la D3 à la D1
avant de se qualifier pour la coupe UEFA. Si, si. Eh bien, ce soir-là, ma mère
lui dit : Y a un monsieur Vandenstruk je sais plus trop, qui a
téléphoné. Il va rappeler. Il a rappelé. Mon père a décroché : Ah,
bonsoir Monsieur Vanden Stock..., pour finir par conclure : Je
suis désolé mais je viens de donner ma parole au président de Winterslag pour
les deux prochaines saisons. Et d’autres moins marrantes comme quand il
nous a expliqué pourquoi il n’allait plus voir les matchs des rouches et qu’il
a clôturé par : Je préfère regarder devant ma télévision, avec mon
cigare, et où il n’y a personne pour m’embêter.
Permettez-moi une petite parenthèse ; si, entre Jipi et
Robert, c’est une grande histoire de cigares, c’est aussi une passion du
football, entre autre pour le Standard de Liège. Fin de la parenthèse. Si je
vous raconte cela, c’est parce qu’en fin de soirée quand je suis parti, il
était sagement assis sur un muret à l’extérieur. Robert, tu attends le
bus ? Oui, j’attends Jean-Pierre, qui est mon chauffeur ce
soir, mais quand il parle de cigares, il faut toujours l’attendre. Cela
m’a fait rire car Jipi disait exactement le contraire quand il sortait de
Sclessin et que c’est lui qui attendait. Sauf le dernier match auquel il a
assisté, où il était sorti avant la fin et qu’il attendait près de la voiture
de Jipi.
Même s’il a été élu entraîneur de l'année en 1985 avec le
RFC Liège, en 1994 avec le Royal Charleroi Sporting Club, et en 1995 avec le
Standard de Liège, il ne l’a pas toujours eu facile avec la presse. D’ailleurs,
voici ce que Thierry Luthers a dit : Il incarnait à merveille la
cité ardente. Une sorte de Tchantchès des temps modernes. Un personnage
courageux, fier, orgueilleux. Avec aussi parfois, il faut le dire, la tête près
du bonnet, un peu soupe-au-lait, volontiers frondeur et taquin, souvent rétif
aux critiques. Plus d’un journaliste s’est heurté à ses remarques acerbes dès
lors qu’une question ou un commentaire ne lui plaisait pas. J’en ai été
personnellement victime à deux reprises au début de ma carrière... Mais, le
temps faisant son œuvre, les différends se sont aplanis, les piques se sont
arrondies.
Il est vrai qu’il ne les a pas ménagés, car comme le dit
Thierry, il était taquin et rétif aux critiques. Comme preuve, ses propos dans
un reportage diffusé par la RTBF peu avant l’Euro belgo-néerlandais
(2000) : Moi, ce qui m’ennuie le plus, c’est d’être parfois
critiqué par des incompétents. Je ne vais pas dire des idiots, mais nous sommes
des professionnels souvent critiqués par des amateurs qui ne connaissent pas le
foot de l’intérieur. Et ça, c’est un peu frustrant, mais on a tort de se vexer
et de réagir négativement. Parce que c’est sans espoir pour les joueurs et les
entraîneurs : les médias sont là et ils seront encore là longtemps quand nous,
on aura terminé notre carrière.
Impossible de parler de Monsieur Waseige sans parler de
Vincent Solheid ; à l’âge de 8 ans, il dessine l’équipe entière du
Standard de Liège, et envoie ses dessins à l’entraîneur de l’époque, Robert Waseige.
Il reçut en retour les photos dédicacées de ses idoles. Depuis, Vincent a le
virus du football ; il a fait la splendide fresque de Roger Claessen qu’on
peut voir au stade des rouches.
Mais il a aussi réalisé, en 2016 à Malmedy, l'exposition Quand
les Diables deviennent Dieux.
Dans celle-ci on pouvait voir :
L'Autel Waseigien, hommage au Mage de Rocourt.
Je l’ai déjà dit, et les différents intervenants aussi,
Monsieur Waseige, quand il aimait, savait s’impliquer à fond et donner sans
compter ; que ce soit lors de ce genre d’exposition, lors du drame de
Julie et Mélissa ou encore au musée de la vie wallonne lors de l’exposition au
nom du foot. C’est ainsi aussi, que nous avons appris qu’il servait parfois de
coach au bourgmestre de Liège.
Prenant les devants, la famille diffuse que Monsieur Waseige
a fait son grand voyage le 17 juillet 2019 ; la presse belge s’empare de
la nouvelle et celle-ci se répand comme une trainée de poudre. Les marques de
sympathie se manifestent de partout.
Mon attention est attirée spécialement vers les clubs
wallons qui l’ont côtoyé, et je vous en livre quelques extraits.
Les Storm Ultras 2001, groupe de supporters historique du
Sporting de Charleroi, lui dédient un message poignant sur leur page Facebook.
Nous sommes dans les années 90, et plus précisément de 92 à
94, qui voit le Sporting particulièrement « beau » à cette période avec une
finale de Coupe de Belgique en 93 et un accès à l’Europe en 94. Guidé par celui
qu’on appelait « Le Mage » tant il réalisait des miracles sportifs et
transcendait les Zetterberg, Casto, Moury, Malbasa, Brogno, Rasquin, Gulyas,
Suray, Janevsky, Silvagni, Misse-Misse, Van Meir et bien d’autres…
Quoiqu’il en soit, aujourd’hui nos couleurs perdent une
légende qui a marqué positivement notre club adoré. Liégeois au bout des
ongles, il avait réussi à faire du Sporting un adversaire redoutable avec son
style qui était le sien : grinta, bonhommie et mentalité. Cigare et whisky dans
les moments particulièrement festifs… Peu importe votre accent à couper le
beurre ; nous ne pouvons aujourd’hui qu’éprouver du respect pour ce que vous
avez donné à nos couleurs noires et blanches, particulièrement durant ces
années 90 et l’adolescence de certains de nos membres.
Le Sporting Charleroi a également tenu à rendre hommage à
l'homme: L'odeur de ses cigares restera à jamais dans les travées de
notre stade. Entraîneur emblématique du Sporting Charleroi, il avait conduit
les zèbres en finale de la coupe de Belgique, en 1993. Il fut, également,
honoré du titre d'entraîneur de l'année en 1994, a réagi le RCSC. C'est un
Sporting Charleroi, affecté, qui présente ses plus sincères condoléances à sa
famille et ses proches.
Le Standard
Depuis sa retraite sportive en 2005, il venait très
régulièrement voir des matches à Sclessin et avait gardé une affection toute
particulière pour notre club.
Le RFC Liégeois
C’est sous la houlette du Mage de Rocourt, que le RFCL a
vécu ses plus belles années avec une génération de joueurs qui a marqué
l’histoire du football belge.
Robert Waseige incarnait les valeurs du RFCL : Liégeois,
formateur, humble, convivial et respectueux. Avec son départ, c’est une page
importante du club qui se tourne mais qui restera à jamais gravée dans nos
cœurs et nos mémoires tant Robert faisait partie intégrante du club. Il ratait
d’ailleurs rarement un match à Rocourt.
Il m’était donc impossible de ne pas être présent pour
l’accompagner une dernière fois le 23 juillet pour une cérémonie pleines
d’émotions.
Une foule importante attendait devant le funérarium, sa
famille, ses amis, des personnalités de tous bord : footballistique,
politique, journalistique (à titre privé et pas en reportage), humoristes et un
grand nombre de supporters. Je ne citerai pas les noms des présents, de peur
d’en oublier mais surtout je pense sincèrement qu’ils ne sont pas venus pour
cela. Je vous dirai quand même que certains étaient très marqués comme ses
poulains (Marc W., Michel P. et Daniel V.)
Quand le cercueil est sorti, suivi de son épouse, ses
enfants et petits-enfants, un homme a crié : « Pour Robert ! »,
et une longue salve d’applaudissements a suivi.
Après le cimetière, nous nous sommes retrouvés au RFC Liège
où nous avons eu la chance d’apprendre que la salle V.I.P se nommera dorénavant
la salle Robert Waseige, et que sur sa terrasse, la place de Robert sera
toujours gardée.
Un dernier cigare en rentrant et en mémoire de ce grand
Monsieur ; puis dès le lendemain, je m’attelle à réunir les souvenirs, les
dossiers presses… pour réaliser cet article. Il est un peu long, et je m’en
excuse ; mais il y avait tellement à dire sur ce Liégeois, et encore je me
suis freiné !
Je terminerai par vous dire qu’il avait demandé à sa femme
de donner son prix Balmoral à son ami Jean-Pierre ; celui-ci est mis en
évidence au magasin.
Au revoir Robert, et merci Bob le Coach.
Merci à ceux qui m’ont donné leur accord de les citer,
d’utiliser leurs croquis ou leurs photos.
D'autres photos sur ma page FB
bel hommage...
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